Publié le vendredi 07 octobre 2022 à 05:15 | Temps de lecture estimé : 7 min.
Journaliste / Secrétaire de rédaction
LIEGE. Face à l’interminable chantier du drame, pardon, du tram, et l’envolée abracadabrantesque du coût de l‘énergie, le président du Commerce Liégeois, Jean-Luc Vasseur, tire une sonnette de larmes. Initialement prévue pour octobre 2022, la mise en circulation du tram est reportée à avril 2024… à ce qu’on dit. Mais d’ici là, que restera-t-il du dynamisme économique et commercial du centre-ville de Liège de plus en plus déserté ? La Ville croise les doigts et ne dit mot. La Foire d’Octobre a pris place dans le chancre urbain, ne facilitant probablement pas le labeur des ouvriers, et on prévoit d’ores et déjà l’ouverture du marché de Noël, fin novembre, même lieu, même endroit. Et ce, quelle que soit l’ampleur des dégâts en terme de mobilité, de sécurité ou d’attractivité commerciale. Du pain et des jeux, pour noyer le poisson en somme. Mais au cœur de la ville, les commerçants s’essoufflent et après les années Covid, face aux crises actuelles du pouvoir d’achat et de l’énergie, ils crient au désespoir. « Sauvons nos commerçants, sauvons nos artisans…nos emplois, sans quoi le cœur de Liège ne résistera pas. Sauvons notre économie !», lance Jean-Luc Vasseur qui espère ainsi être entendu des politiques, des Liégeois mais aussi d’autres responsables ainsi que de tous les indépendants en souffrance ici et ailleurs dans le pays. « On ne va pas continuer à les regarder nous étouffer sans rien dire ! ».
Le tram liégeois, un poème navrant
Alors que le Gouvernement wallon (maître d’œuvre du chantier du tram liégeois à travers l’Opérateur de transport de Wallonie), vient de débloquer 6 millions d’abord, puis 5 millions de plus ensuite, afin de venir en aide aux commerçants directement impactés par le chantier, à Liège, les acteurs économiques ne crient pas victoire, mais famine. « 11 millions d’euros, et on devrait être contents, sauf que l’on parle d’un peu plus d’un millier de commerces impactés par le chantier, je dirais même 1.500. Cela revient à plus ou moins 7.000 € à peine par commerçant, c’est un sketch pour le VOO rire ! », s’insurge Jean-Luc Vasseur, le président du Commerce Liégeois. L’aide publique serait en effet loin de répondre à la triste réalité. « Les commerçants doivent payer un précompte allant de 2.000 euros et 10.000 euros selon le type de commerce, et je vous assure que je suis encore sous la base réelle ? Que peut-on faire ? Attendre que nos dirigeants, ici et ailleurs, se décident à agir ? Mais quand ils seront prêts, il n’y aura plus personne à sauver.»
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On nous tue tous à petits feux.
Faire face, oui ,mais comment ?
Et le Président du Commerce Liégeois de poursuivre : « Un véritable soutien serait d’exonérer aussi nos commerçants du paiement de ce précompte … si non, le dédommagement perçu par ceux-ci repartira dans les caisses de la région illico presto, un comble. Le politique n’a pas conscience de la triste réalité de ce que nous vivons au quotidien, de la baisse de flux de touristes, de la baisse de chiffre d’affaires. Et Liège n’est pas la seule concernée, hormis le chantier du tram qui n’arrange rien, tout la Wallonie souffre et que font les politiques ?! »
Jean-Luc Vasseur en a gros sur la patate… « La partie est loin d’être finie, il nous faut sauver nos petits commerçants, et sauver nos emplois. J’ai envie de voir mon échevine du Commerce, mon bourgmestre monter au créneau, j’ai envie de voir nos politiques liégeois monter au créneau et soutenir leurs citoyens et que tous les bourgmestres wallons se bougent. Qu’attendons-nous pour réagir? ! »
Philippe Henry, Monsieur le Ministre notamment de l’Energie et de la Mobilité, (…) faites bouger les lignes.
Du chômage pour faire face au coût de l’énergie
Sur la page de son site, le Commerce Liégeois annonce la couleur depuis ce 4 octobre : «Le régime de chômage temporaire Énergie n’a pas encore fait l’objet d’un texte officiel publié au Moniteur belge mais il est, néanmoins, déjà possible d’entamer les démarches pour introduire ce régime dans votre entreprise. Ne trainez pas ! », annonce-t-il.
« Le régime de chômage temporaire Energie peut officiellement être utilisé depuis ce 1er octobre jusqu’au 31 décembre. Mais il y a, encore une fois, des critères… Et après ? Et puis, comme si c’était une solution? ! Après le chômage Covid, on passe on chômage Energie, ça va être cela désormais la politique de nos dirigeants? Vous imaginez où on va ?! Que va faire notre personnel ? Ils ont des familles, des loyers, leurs propres factures d’énergies ! Combien de temps cela va-t-il encore durer ? » Jean-Luc Vasseur, ne décolère pas.
Malgré les millions débloqués par la Wallonie afin de faire tenir la tête des commerçants hors de l’eau, c’est loin d’être suffisant.
Votée le 22 septembre dernier, une première indemnité de 6 millions d’euros sera prochainement versée à la Ville de Liège et répartie entre commerçants, en fonction de certains critères donc.
L’indemnité doit en effet correspondre à un montant maximum de 5.000 euros pour les unités d’établissement comptant moins de 6 équivalents temps plein (ETP) et d’un montant maximum de 7.000 euros pour les unités d’établissements comptant 6 ETP ou plus. Une seconde enveloppe de 5 millions devrait être réorientée vers Liège dans les prochaines semaines.
Passe par Liège disait-on… avant
Avec un délai de réalisation prolongé d’un an et demi et une mise en service maintes fois reportée et annoncée, pour l’instant, en avril 2024, le tram et son chantier mènent la vie dure aux Liégeois et principalement aux commerçants.
Et, dans les rues de l’hypercentre (Cathédrale, Vinâve d’île pour ne citer qu’elles), on ne compte plus le nombre de commerces à remettre, par dizaines. Même les Liégeois les plus fidèles négligent de plus en plus leur ville lui préférant Maastricht. Outre la sempiternelle problématique des toxicomanes qui ne trouve toujours pas de réelle solution, la mobilité et les nombreuses fermetures des magasins attristent la balade citadine.
Jusqu’à quand allons-nous nous taire ?
« Quand vous disposez d’une superficie de 100 m², vous ne pouvez pas vous permettre aussi aisément de mettre vos employés au chômage ; vous devez couvrir cette superficie ne serait-ce que pour la sécurité, éviter les vols et tenter de gagner votre vie », reprend Jean-Luc Vasseur, patron d’une brasserie bien connue de la place Cathédrale.
« Honte à nos fournisseurs d’énergie qui cassent nos contrats et ensuite, nous demandent une garantie bancaire de 4 à 6 mois de couverture énergétique. Mais on nous prend pour qui ?! Non, sérieusement … Heureusement, il nous restera le Festival International du Film Comédie de Liège, on pourra l’intituler « Les commerçants et leurs employés passent à la trappe ». Une belle comédie navrante. »
On augmente les salaires, c’est bien, mais le coût de l’énergie a triplé ! On nous prend pour des imbéciles.
La colère monte clairement à Liège. Et Jean-Luc Vasseur, à la tête du Commerce Liégeois, ne se fait que l’un des porte-drapeaux de cette fronde qui gronde en silence, hélas.
« Vous les entendez les commerçants et les Liégeois ? Vous les entendez crier et pleurer, parce qu’ils perdent patience et leur passion pour leur ville ? Moi oui, tous les jours, à chaque coin de rue. C’est désolant. Parce que si le politique ne réagit pas maintenant, j’ai bien dit maintenant, au total, ce sont près de 3.300 emplois qui seront concernés directement et plusieurs dizaines de milliers d’autres fragilisés par les factures rocambolesques qu’on nous force à régler. Et Liège n’est pas la seule évidemment. Nous devrions tous nous fédérer maintenant et nous soulever pour qu’enfin les choses bougent ! », harangue-t-il.
Les aberrantes facilités des distributeurs d’énergie
Et de pointer du doigt encore et encore les autorités politiques : « Philippe Henry, Monsieur le Ministre notamment de l’Energie et de la Mobilité, faites quelque chose, faites bouger les lignes, nous tendons la main à tous celles et ceux susceptibles de nous défendre ici à Liège, en Wallonie et en Belgique sans pour autant attendre une sempiternelle réponse de l’Europe ! »
Face aux coûts des factures de gaz et d’électricité et aux « facilités » aberrantes proposées ou imposées par les distributeurs, les commerçants sont à genoux. Certains éteignent leurs fours, d’autres ne font pas réparer leur comptoir frigo, d’autres encore se sont déjà résignés à ne pas décorer d’illuminations fastueuses leurs établissements à l’aube des fêtes de fin d’année. On parle même de supprimer l’eau chaude dans certaines institutions par période durant l’hiver. Après la crise sanitaire, la crise énergétique plonge à nouveau les villes dans le noir. Pas de répit. Et au bout du compte, on semble suspendu aux lentes et interminables discussions européennes, là tout là-haut à Bruxelles et Strasbourg.
Genoux en terre
« Nos commerçants sont à genoux ; ils ne savent plus comment faire face aux factures d’électricité et de gaz ! J’entends ça toute la journée ! Face à cette crise, il faut aussi trouver des solutions ! Fédérons-nous, voilà ce à quoi j’appelle, fédérons-nous avec d’autres villes francophones et changeons ce qui se passe. A Liège, on tente de se relever de tout, après le Covid, comme tout le monde, beaucoup d’entre nous, ont aussi vécu la perte de tout à cause des inondations, tout l’Horeca souffre d’une pénurie de personnel compétent, on subit les tarifs de l’énergie, contre lesquels le Gouvernement ne trouve pas de réponse. On doit tous se mettre ensemble ! Tous les indépendants se font saigner comme des cochons et personne ne dit rien ! Je me réjouis de voir si on interdira les chaufferettes sur le marché de Noël ? Alors que certains commerçants ont récemment investi dans ce secteur, ils se voient inviter à ne plus les utiliser et à acheter des plaids, ben voyons. Vous allez voir le prix des plaids grimper dans les semaines à venir ! Mais où allons-nous ?! Je ne comprends pas pourquoi personne ne bouge ! »
Wallon avant d’être Européen
Fin août, selon une étude de WTW Belgium, société de conseil, les employeurs belges du pays annonçaient prévoir d’accorder une augmentation salariale annuelle moyenne de 7,5% dès 2023 afin de faire face à un marché du travail tendu et aux anticipations d’inflation. « On augmente les salaires, c’est bien mais le coût de l’énergie a triplé ! On nous prend pour des imbéciles ! Les solutions devant émaner des politiques sont bien trop longues à venir. Je suis Liégeois, Wallon et avant d’être Européen … c’est maintenant qu’il faut agir ici sinon, demain, on sera tous à terre. J’ai investi près de 200.000 euros dans mon établissement, il y a un an à peine, là, j’avoue, je n’en peux plus, je vis sur un lit d’épines ! Et je ne suis pas le seul. Nos autorités vont-ils nous regarder sombrer en nous lançant des miettes ?»
Et de conclure dépité:« Allons-nous attendre sans bouger ? A ce jour, je m’interroge et je crains le pire ».